Suisse

Télétravail : comment aménager son bureau ?

18/02/2021

Ce n’est pas encore la «fin du travail» annoncée, il y a plus de vingt ans, par le sociologue américain Jeremy Rifkin, mais c’est d’ores et déjà le début de la fin du travail au bureau et le début du travail chez soi, dans sa maison ou son appartement. Mais comment installer et aménager un espace dédié au télétravail dans un cadre de vie prévu pour la vie familiale et les loisirs ?

Télétravail 770X513
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Vous aviez l’habitude, comme tout le monde, d’aller travailler le matin et de rentrer chez vous le soir ? Vous aviez aussi l’habitude de retrouver chaque matin votre bureau, avec ses dossiers bien rangés, son ordre, son confort, ses petites poussières çà et là, son cadre rassurant. Vous aviez aussi l’habitude de croiser vos collègues à la machine à café et de parler avec eux de la pluie et du beau temps, des potins sur la boîte, du match de foot de la veille à la télé… Eh bien ! Tout cela appartient désormais à ce monde révolu qu’on appelle désormais le «monde d’avant». C’est-à-dire le monde d’avant la Covid-19, cette maladie qui a débarqué en Europe il y aura bientôt une année, au mois de mars, et qui n’en finit pas de s’incruster et de tout chambouler. Confinement à répétition, fermeture des restaurants et des cafés, distanciation sociale, masques obligatoires, délation citoyenne… Un univers à la Orwell que l’on peut toutefois éviter en travaillant chez soi, en toute tranquillité, du moins si son métier s’y prête. L’heure est désormais au télétravail, avec ses douces promesses de liberté, mais aussi de sérénité et d’efficacité: adieu le temps perdu dans les transports et le stress au bureau; bienvenue au travail à la carte, intégré parmi ses autres priorités et ses obligations familiales.

Travailler chez soi, c’était jusqu’à présent le luxe des écrivains et des artistes : pas d’horaires, pas de contraintes, mais une espèce d’exigence intérieure qui avançait à son rythme, selon les envies quotidiennes et les caprices de l’inspiration. C’est Montaigne dans sa tour entouré de ses livres ; c’est Julien Green rêvant et écrivant ses quelque vingt-cinq à trente lignes par jour dans son appartement parisien, dont il scrutait sans cesse la lumière, les bruits, le climat ; c’est Simenon dans son bureau où personne n’avait le droit d’entrer, écrivant souvent dans un état de transe; c’est San Antonio noircissant les pages à toute vitesse, comme un stakhanoviste, dans une sorte de fureur créatrice… Et puis il y avait aussi les artistes, claquemurés dans leur atelier, ainsi que les musiciens composant et jouant dans leur studio, chez eux.

Le choix du lieu idéal

En répandant la peur un peu partout, la Covid-19 a fait tout exploser et a ouvert l’âge d’or du télétravail pour tous! Mais comment être vraiment au travail tout en restant chez soi ? Le plus important désormais, si l’on travaille à domicile, c’est d’abord de choisir le lieu idéal pour son bureau : il doit être à la fois distinct et bien délimité, comme une espèce d’enclave, mais sans se transformer en un lieu clos et séparé. Un peu comme un coin repas, mais dans un tout autre genre; un coin travail qui favorise la concentration et permet de travailler en toute liberté (les téléphones, les séances Zoom, les mails…) tout en se nourrissant de l’atmosphère agréable et dynamique de la maison. On pourrait dire que c’est un peu l’esprit de la mezzanine ou de la véranda : un espace calme et chaleureux, fonctionnel aussi, un peu entre deux eaux, avec assez de place pour installer ses dossiers.

Alors où est donc la meilleure place pour créer son bureau ? Dans le salon ? Dans la cuisine, la pièce à vivre par excellence ? Dans une chambre à coucher ? Dans le hall d’entrée ou dans un renfoncement inutilisé qui n’aspire qu’à une glorieuse métamorphose ? Peu importe, car l’essentiel consiste surtout à créer, comme l’explique l’essayiste française Dominique Loreau - spécialiste de l’art de vivre - un espace autonome, petit ou grand, qui dégage de bonnes énergies et stimule la créativité.

Autant dire que c’est l’aménagement du bureau qui va jouer un rôle essentiel. Les meubles doivent être légers et fonctionnels, la lumière douce et équilibrée, la décoration simple et harmonieuse. L’ordinateur est au centre de tout, évidemment ; il doit être immédiatement accessible et maniable, de même que tous les dossiers, rapports références nécessaires. Davantage encore que dans un bureau traditionnel, le bureau à domicile ne souffre pas le moindre désordre et doit être en état de marche matin, midi et soir.

« Les vrais génies sont nets, explique le célèbre designer français Philippe Starck, ils rangent, ont des dossiers bien classés, et c’est pour ça qu’ils sont libres, car le classement, l’ordre, le regroupement est libérateur pour l’esprit. Plus vos cartes à jouer sont classées dans le bon ordre, plus vous pouvez penser au jeu. Quand les cartes sont jetées sur la table, vous cherchez, vous les retournez, vous êtes déjà épuisé, et, surtout, vous avez perdu l’intuition globale immédiate qui est le seul fonctionnement. Le bon interlocuteur est celui qui va vous apporter sur un plateau toutes les cartes à jouer, bien présentées, avec la bonne lumière, avec le bon angle pour que vous soyez bien, pas face à lui mais face à vous ». De quoi méditer pour les admirateurs Jean Piaget, célèbre pédagogue genevois dont les invraisemblables piles de paperasse montaient de son bureau jusqu’au plafond : la photo a longtemps illustré les cartes de vœux des conseillers d’Etat de la République et canton… Mais un sage a aussi dit que si le désordre du bureau reflétait selon d’aucuns le désordre du cerveau de son propriétaire, que devrait-on déduire de l’état intellectuel de celui qui a un bureau net de tout désordre et complètement vide ?

Reste à espérer que l’isolement du télétravail permette paradoxalement une relation plus proche et plus dense avec les autres…

par François Valle