Conseils - Suisse

Vendre un logement à un locataire en place : est-ce possible ?

09/03/2018

Toute aliénation, quelle que soit sa forme (vente, donation, ou autre) d’un appartement qui a été loué, est soumise à autorisation, si l’appartement fait partie d’une catégorie de logements où sévit la pénurie.

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Je suis propriétaire de plusieurs appartements hérités de mon père dans un immeuble qu’il a mis en PPE avant son décès. J’occupe un des appartements, et les autres sont loués. Un des locataires, qui est là depuis 15 ans, m’a sollicité afin d’acheter son appartement. Dans la mesure où je n’ai moi-même pas d’héritiers, j’étais d’accord de lui vendre et nous avons convenu d’un prix de vente. Le notaire m’a ensuite informé que je ne pouvais vendre cet appartement à mon locataire qu’à certaines conditions. Qu’en est-il ? (Alexandre D., Genève)

La loi sur les démolitions et transformations (LDTR) prévoit en effet des restrictions, voire des interdictions, aux ventes d’appartements loués. Elle prévoit que toute aliénation, quelle que soit sa forme (vente, donation, ou autre) d’un appartement qui a été loué est soumise à autorisation, si l’appartement fait partie d’une catégorie de logements où sévit la pénurie. Chaque année, le Conseil d’Etat rend un arrêté pour déterminer quelles sont les catégories d’appartements où sévit la pénurie, et depuis de nombreuses années, ce sont toujours les appartements de 1 à 7 pièces inclusivement qui sont concernés. Autrement dit, tous les appartements loués sont soumis à autorisation de vente, sauf ceux qui comportent plus de 7 pièces.

La loi stipule que le département doit refuser l’autorisation de vente lorsqu’un motif prépondérant d’intérêt public ou d’intérêt général s’y oppose. L’intérêt public et l’intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l’affectation locative des appartements loués. En période de pénurie, il est donc en principe interdit de vendre un appartement loué (ou qui a été loué), le but étant qu’il reste sur le marché locatif.

La loi prévoit néanmoins des cas dans lesquels la vente doit être autorisée. C’est le cas lorsque l’appartement a été soumis au régime de la propriété par étages ou à une forme de propriété analogue dès sa construction, lorsqu’il était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la propriété par étages et avait déjà été cédé de manière individualisée ou lorsqu’il n’a jamais été loué. En substance, tous les appartements qui sont en PPE dès l’origine peuvent être vendus et l’autorisation de vendre doit être délivrée, alors que ceux qui ont été transformés en PPE après la construction de l’immeuble ne le sont pas forcément.

Ainsi, dans votre cas, le fait d’avoir constitué une PPE ne vous permet pas de vendre séparément les appartements loués, sauf ceux qui sont qui comprennent plus de 7 pièces.

Il faut toutefois encore savoir que la loi prévoit une exception, régulièrement utilisée par le passé, mais dont les conditions d’application se sont durcies ces dernières années, à savoir la vente au locataire en place. Il est ainsi en théorie possible de vendre son appartement au locataire qui occupe effectivement son logement depuis au moins 3 ans, pour autant que 60 % des autres locataires de l’immeuble donnent leur accord tout en obtenant la garantie de ne pas être contraints d’acheter leur appartement ou de partir.

Comme indiqué, bon nombre de ventes ont été autorisées par le passé, jusqu’à ce que les tribunaux durcissent la situation en considérant qu’il fallait encore effectuer une pesée des intérêts en présence (alors que la loi indique que dans cette situation justement, l’intérêt du locataire est présumé l’emporter sur l’intérêt général). Ceci a conduit à des refus quasi-systématiques, au motif que l’intérêt public de garder des appartements sur le marché locatif était plus important que l’intérêt du locataire de devenir propriétaire. Mais quelques cas ont aussi été autorisés, de sorte que selon les circonstances précises et la situation de votre locataire (situation personnelle, âge, durée du bail, prix de vente ou autre), il n’est pas d’emblée exclu que la vente soit autorisée.

A noter enfin que si vous êtes dans la nécessité de liquider un régime matrimonial ou une succession, ou encore dans une situation de désendettement, votre intérêt privé sera aussi pris en considération et devrait conduire à une autorisation de vente.

Pour tout complément d’information, CGI Conseils est à votre disposition le matin de 8h30 à 11h30 au tél. 022 715 02 10 ou sur rendez-vous.

par Anne HILTPOLD, titulaire du brevet d’avocat
www.cgiconseils.ch